fragmentslus

Naples, 1943. Malaparte, grand correspondant de guerre et officier de liaison auprès des Alliés, se joint aux troupes américaines venues libérer le pays.

Là où beaucoup voient dans les affres de la guerre un mal nécessaire, la force de l'auteur réside dans son indignation face à l'horreur et de la brutalité de l'histoire en marche. Loin d'un jugement moral simpliste, il exprime par une prose incisive, parfois teintée de poésie, toute la complexité de son sentiment sur l'Italie en proie à la misère et au chaos. Il poursuit là son entreprise de témoignage commencée quelques années plus tôt avec Kaputt.

Ce petit livre de Jean-Luc Lagarce rassemble plusieurs de ses écrits, articles et éditoriaux pour le théâtre. Sous une forme très libre, il partage au lecteur sa vision du monde et son approche singulière de la vie d'auteur, de comédien et de metteur en scène. 

Décalés et volontiers provocateurs, les passages présentés ici proviennent d'un calendrier rédigé pour la saison 1993-1994 du Théâtre de la Roulotte. Entre les lignes, on entend la voix du metteur en scène au travail avec sa compagnie, toujours en mouvement dans le jeu comme dans la vie. Une voix qui parle comme elle écrit, pour ceux qui s'avancent dans la lumière.

Quelque peu tombé dans l’oubli, Pierre Loti est une figure importante de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. Son style typique de l'exotisme littéraire a marqué la plupart de ses récits, inspirés des voyages que l’auteur a pu faire tout autour de la terre.

Mon frère Yves est un roman de marin. Yves et Pierre sillonnent les mers, liés autant par une profonde amitié que par l’amour de leur terre bretonne, ferme, sombre et pierreuse, qu’ils ne voient que rarement lorsqu'ils rentrent en permission. En partie autobiographique, ce récit témoigne du lien singulier qui unit les deux personnages : une humanité forte, parfois rude mais sincère, ou le sentiment d'une fraternité.

Drieu la Rochelle fait partie des auteurs « gris » de la Pléiade, ceux qui ont collaboré avec l’Allemagne nazie pendant la Seconde Guerre mondiale. Dandy sombre et séducteur, il fut directeur de la NRF sous l'occupation, protégeant Aragon et facilitant la libération de Sartre d’un camp de travail. Un temps proche des surréalistes Dada qu’il fréquente au retour du front en 1917, il se rapproche des idées fascistes jusqu’à les embrasser au milieu des années 30.

Avec Gilles, Drieu cultive le trouble de ce personnage antipathique au ton réactionnaire, intelligent mais compromis. Volontiers misogyne et antisémite, il devient le symbole d’une bourgeoisie décadente et désabusée. Mais que cherche vraiment cet anti-héros perdu par la Grande Guerre ? A-t-il encore seulement un idéal ?

Barjavel, précurseur de la science-fiction française nous offre avec Ravage une dystopie qui prend aujourd'hui la tournure d'un futur bien plausible. Ce récit retrace la fuite de Paris mise à feu et à sang comme un voyage initiatique plein de rebondissements. 

Si le roman se veut critique sur ce monde futuriste, entassé dans des villes immenses où chacun se rêve une star, c'est qu'il vient questionner notre rapport à la science et au progrès. L'homme dépendant des machines ne sait plus vivre sans elles - il apprend à survivre.

L’Amiral se présente comme une promenade en mer, sur le pont d’un transatlantique. Le narrateur, voyageur à la recherche de calme, vient tenir conversation au capitaine du bateau avec lequel il dîne tous les soirs. Ce dernier, plein d'histoires et d’esprit, porte un lourd secret qu’il va finir par lui révéler.

À travers les évocations de l’océan et des terres amazoniennes, ce récit porte en lui de nombreux éléments autobiographiques. Autant d’anecdotes du Cendrars aventurier qui pourraient être une forme d’introduction au cycle de ses mémoires, écrits de 1945 à 1949.

Dans Jour de colère, Sylvie Germain nous conte l’histoire d’un petit village isolé du haut Morvan peuplé de flotteurs de bois, de galvachers et de bouviers. Par la forêt, théâtre à ciel ouvert, on découvre des personnages aux passions dures, où chacun porte son histoire comme une destinée, éminemment tragique.

Ce roman a obtenu le prix Fémina lors de sa parution, en 1989, et vient d’être proposé cette année à l’épreuve anticipée du bac français.

L'Histoire de la folie à l'âge classique est la thèse de doctorat de Michel Foucault. Publié en 1961 puis révisé en 1972, le texte traite des pratiques, des croyances et des normes qui ont organisé la vie du fou dans notre histoire occidentale depuis la fin du Moyen Âge. L'auteur cherche à comprendre comment le fou est passé de l'internement indifférencié dans les prisons et les hôpitaux de la fin du moyen âge, à l'asile du XIXe siècle, pour finalement trouver sa place dans notre médecine positive, en psychiatrie.

Si cette étude se veut historique, elle relève surtout d'une approche sociologique de la folie, dans laquelle on retrouve la fascination de Foucault pour les rapports de pouvoir caractéristique de son œuvre. La folie y est étudiée comme l'expérience de la déraison, le fou, comme un personnage social, et la pratique de l'internement comme un outil de pouvoir au service de ceux qui l'exercent.

Ce que l’on trouve chez Julien Gracq, c’est une prose des paysages comme il n’en existe nulle part ailleurs. Tout est chez lui rapport à la terre et sujet à l’expression d’un sentiment géographique.

Un balcon en forêt retrace l’expérience de l’attente. On attend la guerre, interminablement, une guerre qui ne vient pas. Des bords de la Belgique aux casernes retranchées plus loin dans les terres, c’est une armée rêveuse qu’on a mobilisé dans les Ardennes. Et dans ce temps suspendu, Grange, capitaine de régiment se questionne sur le sens de tout cela.

Erri De Luca c’est un bout d’Italie, un morceau de soleil descendant sur la mer et des mains fatiguées par les jours à l’usine. Dans ses récits, la nostalgie d'une enfance napolitaine, mais aussi, sans détour, l'engagement politique durant les années de plomb. La force des images et le poids du souvenir.

Tu, mio, c’est l’île d’Ischia dans la chaleur estivale des années 50, sur les traces d’un garçon qui apprend à être un homme, entre la pêche, l’amour et ce qui reste de la guerre.

Prix Goncourt 1919, À l’ombre des jeunes filles en fleurs est le deuxième tome de la Recherche du temps perdu. Dans ce chef d'œuvre de modernité, le narrateur nous emmène dans un monde de souvenirs, à Balbec, sur les pentes sinueuses du sentiment amoureux. C'est aussi là, dans l'atelier d'Elstir, que le narrateur vient opposer de longues pages d'admiration pour le peintre à une pensée froide et fulgurante : la nécessité de son entremise dans sa rencontre avec Albertine.

Dans ce journal intime écrit de 1976 à 1991, quelques fulgurances viennent déchirer le quotidien d'Hervé Guibert. Écrivain, journaliste et photographe, c’est toujours avec une grande lucidité qu'il fait le récit de sa vie en parlant ouvertement de son homosexualité comme de sa maladie. L'auteur, que l’on aime dépeindre comme insolent et double, nous apparait aujourd'hui comme le témoin privilégié d'une époque et l'une des grandes figures de cette génération ravagée par le sida.

Anna Akhmatova c'est un peu de l'âme de la Russie et sans conteste l'une des grandes figures de la littérature du XXe siècle. La poétesse russe surnommée la Reine de la Neva fut membre du mouvement acméiste et refusa de quitter son pays lors de la Révolution d'Octobre. Dans Requiem, son œuvre la plus populaire, elle utilise la poésie pour dénoncer les arrestations arbitraires et les déportations massives du régime soviétique.

Cet épisode un peu particulier fait le choix du lyrisme en écho au tragique de la guerre en Ukraine. C'est que la poésie, comme la littérature, peut prendre les armes pour lutter contre ceux qui choisissent les horreurs de la guerre.

Jean-Bertrand Pontalis a été toute sa vie attentif aux autres, à l’écoute de ceux qui viennent raconter et se raconter dans son cabinet d'analyste.

Ce livre n'est pas un essai. C'est une succession de portraits, d'histoires aussi différentes que les personnages qui les incarnent, parfois assez romanesques. C'est peut-être cela qui nous touche à la lecture : on comprend vite que tous ces histoires sont bien réelles et chargées d'un double sens, pour nous, lecteurs, mais avant-tout pour eux, patients, personnages, être humains qui se livrent.

Amour entier pour sa mère, amour de transfert pour son serpent, amour troublant, réciproque ou déçu, Romain Gary a fait du sentiment amoureux un thème récurrent de son œuvre littéraire.

Clair de femme est un roman où ce sentiment vient prendre une forme nouvelle. S'il est bien là à chaque page, il nous semble désormais fragile, tendu, étiré entre le souvenir de la relation passée et la promesse de renouveau. Roman de la maturité, Clair de femme nous parle de ces êtres en questionnement, malmenés par la vie, qui sont faits "de petits aujourd'hui".

François Augiéras est un de ces auteurs méconnus que l'on découvre par hasard. L'Apprenti sorcier, d'abord publié de façon anonyme, relate les aventures d'un adolescent accueilli chez un prêtre. Histoire singulière et troublante, elle est pour l'essentiel autobiographique.

Ce qui surprend à la lecture c'est que quelque chose nous dépasse. On ne saurait dire comment, mais il flotte dans ce livre comme un air de magie. La nature omniprésente entoure les personnages, elle les réduit au silence et à la contemplation. Et bientôt, dans le temps suspendu des falaises du Périgord, chaque geste, chaque souffle compte.

Dans Les beaux quartiers, deuxième tome du cycle romanesque du Monde Réel et prix Renaudot 1936, Louis Aragon trace le destin opposé de deux frères, Edmond et Armand, montés faire leur vie à Paris. À la veille de la Première Guerre mondiale, Armand découvre les idées pacifistes de Jean Jaurès et décide de s'engager dans les actions menées par l'Internationale ouvrière.

Étonnamment, c'est la critique de Pierre Lepape pour le Monde qui parle le mieux de ce livre de Jean Echenoz. Preuve en est, et non des moindres pour les Éditions de Minuit, elle apparait en quatrième de couverture :

« Ce petit livre, tout frais sorti de la machine à écrire de Jean Echenoz, est, n’ayons pas peur des mots, une petite merveille. Cela s’intitule L’Occupation des sols. […] On est ébloui par l’inspiration, par le style, par la cocasserie, par l’impressionnante efficacité narrative d’Echenoz. Si quelqu’un vous propose d’échanger 90% des romans français publiés depuis un an contre ces seize pages-là, n’hésitez pas, acceptez, c’est une bonne affaire ! »

Dans la préface de Littoral, premier tome du Sang des promesses, Wajdi Mouawad évoque les thèmes qui feront de ce cycle une œuvre majeure du théâtre contemporain. La mort, entre inquiétude et réalité vient lever le voile sur nos liens avec les autres et charrie une question double : celle de l'origine et celle de l'héritage.

Solal a tout d'un personnage romanesque : doué, ambitieux et fantasque. Tiraillé entre l'appel de sa Céphalonie natale et les promesses de gloire des ministères parisiens, il mène la vie tumultueuse d'un jeune homme qui veut sa place dans le monde des grands. Son chemin sera fait de hauts et de bas, de détours et de retours, avec comme guide, toujours, la passion.

Lire Christian Oster, c'est partir à l'aventure sans savoir si l'on atteindra le but escompté. Très vite, le lecteur se perd dans les méandres de la pensée d'un narrateur qui a de fortes chances de ne pas arriver au bout de sa quête, de faire demi-tour, d'abandonner.

Alors pourquoi s'embarquer avec lui ? Et bien parce ce qu'au fond, ce qui nous intéresse c'est d'abord l'excitation de la vision et la fascination du voyage. Le but, lui, toujours repoussé, inaccessible, se découvre vite être insignifiant.

Moitié dialogue, moitié essai, Solitude prend la forme d'un petit condensé de l'expérience de Françoise Dolto en tant que pédiatre et psychanalyste.

Au cœur du livre, on trouve une réflexion sur ce sentiment complexe et difficile à apprivoiser que l'on connaît tous : solitude qui blesse, solitude qui ressource. À la fin de l'ouvrage, l'essai laisse place à quelques lignes du roman familial particulièrement touchantes.

S'il fallait choisir entre une vie d'aventure, fougueuse et passionnée et une vie plus simple, calme et tranquille, que prendriez-vous ?

Les deux personnages du livre de Sylvain Prudhomme se sont connus jeunes et ont des parcours de vie opposés. Avec les années, des questions profondes assaillent le narrateur, des doutes sur le fait d'être adulte et de devoir assumer ses choix. Loin de les diviser, ces questions vont dresser des ponts entre les personnages.

L'Événement. C'est le titre de ce récit fort, franc, direct d'Annie Ernaux. C'est l'histoire de son avortement clandestin en janvier 1964.

L'adaptation de ce livre a reçu le Lion d'or à la Mostra de Venise cette année, le film, lui, vient de sortir dans toutes les salles de cinéma.

Patrick Modiano c’est un peu l'esprit de Paris. À travers ses écrits, on retrouve la capitale, celle de l’occupation ou celle de l’après-guerre, de la Place de l’Étoile à la Place d’Italie, des hôtels de boulevards aux pentes du Montparnasse.

La magie de l’écrivain c’est de nous rendre ces lieux habités d’un temps qui n’est plus, c’est d’en faire au-delà de simples décors, des personnages à part entière, toujours aventureux, parfois obscurs et même franchement douteux. Dans les rues parisiennes de Modiano, on se sent inexplicablement épié, suivi, comme si chaque geste devait nous amener un jour à rendre des comptes. À la recherche d’indices nous tournons les pages, sans jamais vraiment avoir à les compter.

Dans Les Œuvres de miséricorde, Mathieu Riboulet nous parle de corps et d'esprit : de l'échange physique intense et bref, qui laisse les êtres se délier et retrouver leur route ; de l'émotion qui naît parfois et reste au-delà du simple désir pour forger le souvenir.

Ce fragment est extrait d'un récit qui a obtenu le prix Décembre en 2012, dans lequel on retrouve la force du réel et le ton du vécu si particulier à cet auteur : tout y est rude, poignant et sensiblement provocant.

Lire Anne Dufourmantelle c'est chercher à comprendre : Dans ses livres, la philosophe et psychanalyste tente d'approcher à sa façon les différents maux qui traversent notre vie pour mieux les comprendre. Lecture inspirante et positive, Dufourmantelle ouvre des portes sur le monde obscur et mystérieux qu'est l'inconscient.

Christian Bobin est un de ces auteurs qui partage un univers singulier emprunt de sacré et de poésie. Le lire, c'est faire un pas dans ce jardin merveilleux.

Avec Roland Barthes, on entre dans l'alchimie du rapport amoureux. Sans le réduire ni le dénaturer, ce livre nous conduit dans les méandres du désir et nous fait toujours, pour le temps d'un chapitre, nous sentir compris.

Un premier fragment qui s'affranchit des frontières physiques : Terre des hommes d'Antoine de Saint-Exupéry, pour sa plume bien-sûr mais aussi pour sa vision du monde si particulière, au-dessus des nuages.